La Roumanie connaît depuis une semaine, avec le déclenchement du conflit en Ukraine, un afflux de réfugiés sur sa frontière nord. Comme en Pologne, la solidarité envers les réfugiés s’est rapidement mise en place. La FSLI, principale fédération des syndicats de l’enseignement, membre du Bureau du CSFEF, témoigne de cette solidarité par la voix de son vice-président Adrian Voica et par des photographies prises à la frontière par des enseignants roumains.

Des réfugiés toujours plus nombreux

Si les réfugiés ukrainiens sont très nombreux à la frontière polonaise, ils se présentent aussi à la frontière roumaine depuis que l’armée russe a bombardé la ville d’Ivano-Frankivsk au sud-ouest de l’Ukraine, à 150 km de la frontière roumaine, faisant craindre une « guerre totale ». La plupart des réfugiés viennent de Tchernivtsi, une grande ville ukrainienne – autrefois roumaine sous le nom de Cernauti – à 40 km de la frontière, distance que certains ont parcourue à pied. Des Ukrainiens des Carpates se dirigent aussi vers la région roumaine des Maramures, en passant par le poste frontière de Sighet. D’autre part, les Roumains qui travaillaient en Ukraine rentrent massivement chez eux.

« A ce jour, le 27 février 2022, au soir », indique Adrian Voica de la FSLI, «plus de 47 000 réfugiés ukrainiens sont entrés en Roumanie, surtout des femmes et des enfants, car les hommes sont obligés par la loi martiale de rester dans leur pays. Toutes les frontières de la Roumanie sont ouvertes », l’entrée se fait sans difficulté mais « la partie ukrainienne est très lente à vérifier les documents ».

C’est pourquoi la Roumanie s’attend encore à des dizaines, voire des centaines de milliers d’entrées d’ici quelques jours. Certains réfugiés attendent plus de 24h pour passer.

Le gouvernement roumain s’est dit prêt à accueillir des centaines de milliers de réfugiés, le ministre de la défense évoquant le chiffre de 500 000. Mais la Roumanie sait aussi que beaucoup de réfugiés ne resteront pas sur le sol roumain et espèrent gagner l’Italie ou l’Allemagne où ils ont de la famille.

Une solidarité spontanée

La FSLI indique que les Roumains sont unanimes : « dans toutes les grandes villes, des manifestations ont eu lieu pour soutenir le peuple ukrainien et condamner l’invasion de la Fédération de Russie ».

La solidarité a été spontanée, comme à Siret, une ville du nord-est de la Roumanie, à la frontière avec l’Ukraine : les Roumains viennent au poste-frontière avec leur voiture au coffre chargé de nourriture qu’ils distribuent gratuitement aux réfugiés. Ce sont souvent les simples citoyens plus qui apportent leur aide, parfois les pompiers. Si les Églises (orthodoxe et adventiste) se sont mobilisées, en hébergeant gratuitement les réfugiés, de simples particuliers ont aussi mis à disposition leur appartement, ou une chambre. Adrian Voica témoigne :«les réfugiés sont attendus avec de la nourriture, des propositions d’hébergements temporaires, des médicaments, une assistance médicale, des tests PCR ou antigéniques gratuits ».

Les enseignants sont nombreux parmi les bénévoles : « de nombreux militants syndicaux frontaliers se sont mobilisés pour faciliter l’accueil des personnes désespérées. » indique-t-il, ce sont eux qui ont fait parvenir les photographies illustrant cet article. Il ajoute :« les écoles privées et les écoles de la minorité ukrainienne en Roumanie ont ouvert leurs portes aux élèves réfugiés. Avec l’aide d’interprètes en ukrainien, des centaines de psychologues scolaires et de membres de notre syndicat ont annoncé leur volonté de fournir des conseils psychologiques aux familles et surtout aux enfants ». Ainsi, la scolarisation des réfugiés est déjà envisagée dans les écoles de langue ukrainienne, la Roumanie comportant une minorité ukrainienne reconnue (de 60 000 personnes environ) à laquelle est dispensé un enseignement dans la langue maternelle. Des collectes de fonds s’organisent et la FSLI y prend part.

Des pompiers roumains distribuent de l’aide aux réfugiés à Siret, poste frontière de la région de Suceava

La marque de la guerre et la lutte de la FSLI contre tous les nationalismes

«Les élèves roumains sont choqués par les événements qui se déroulent dans le pays voisin. Depuis le début de la guerre, tous les professeurs, quelle que soit la spécialité qu’ils enseignent, rassurent psychologiquement leurs élèves qui craignent une invasion des forces armées russes en Roumanie. On rappelle aux élèves que la Roumanie est un État membre de l’UE et un pays de l’OTAN et qu’il sera protégé par l’alliance militaire de l’OTAN ». Mais la peur s’accroît avec les déclarations russes : « l’annonce par Poutine qu’il a mis en alerte les armes nucléaires a amplifié la peur déjà existante».

Beaucoup de Roumains sont inquiets : « la plupart des Roumains craignent que l’armée russe n’attaque la Roumanie. La conquête de l’île des Serpents dans la mer Noire a augmenté l’inquiétude générale. De cette île au port fluvial roumain de Sulina, il n’y a que 45 km ».

La FSLI a toujours lutté contre une vision nationaliste de l’histoire et continue de condamner «la violence de la guerre » en soutenant « la voie de la négociation et du dialogue entre les parties ».

« Cette guerre n’a pas réussi à amplifier le thème du nationalisme et de l’irrédentisme que la Russie promeut. Les professeurs d’histoire ont déclaré publiquement que pendant les cours d’histoire, ils combattent fermement les idées et les courants d’opinion nationalistes, souverainistes, révisionnistes et néo-fascistes » affirme Adrian Voica. « La FSLI a exprimé son soutien au peuple ukrainien qui subit une terreur et une agression imméritées » mais il ne s’agit nullement d’un soutien nationaliste.

Mise à jour du 4 mars 2022: les autorités roumaines estiment à 110 000 le nombre de réfugiés en provenance d’Ukraine ayant franchi la frontière. Parmi eux, 68 000 auraient déjà gagné un autre pays de l’Union Européenne, ce qui confirme le rôle de « transit » de la Roumanie.