Une violence avec complicité extérieure ?

Depuis plus d’une décennie, l’Est de la République Démocratique du Congo est en proie de violence récurrente et complexe. Cette violence pourrait avoir des causes lointaines et immédiates  si on remonte l’histoire certes, cependant, d’après les écrits de Charles ONANA, les causes immédiates commencent en 1990 avec les invasions du Rwanda par les rebelles tutsis venus d’Ouganda avec pour objectif d’évincer le régime de l’époque au Rwanda. L’idée principale était d’installer un dirigeant  à la tête du Rwanda, qui serait  en mesure d’envahir le Congo-Zaire  et de s’emparer de ses richesses au profit des multinationales occidentales et anglo-saxonnes. Et c’est en 1996 que la machine se met en marche.

Ce plan macabre va toucher l’ensemble de l’Etat congolais, et surtout les provinces du Nord Kivu, Ituri, Sud-kivu,on note plusieurs milliers de mort et des dégâts matériels considérables comme le montre Charles ONANA et  dans Holocauste au Congo. L’omerta de la communauté internationale et David VAN REYBROUCK dans Congo, une Histoire. 34 ans après, cette violence fait son bonhomme de chemin avec toutes les conséquences néfastes dans tous les domaines et spécialement dans le domaine de l’éducation.

Droits de l’éducation des enfants en souffrance

Les multiples formes de violence dans les deux provinces du Nord-Kivu et Ituri, impactent directement sur le droit en éducation des enfants de cette contrée. A cause de multiples scènes de violences, les écoles sont fermées, les infrastructures sont détruites, certains enfants sont enrôlés de force dans la rébellion, le mouvement des populations qui fuient les zones de conflit pour se réfugier dans les camps de fortune construits par les organismes internationaux, où les conditions de vie sont très précaires.

Dans un récent rapport publié par l’UNICEF, depuis le début de l’année 2024,  540 écoles ont été contraintes de fermer dans les provinces de Nord-Kivu et Ituri, dans la région de Rutshuru et Masisi où des violents combats opposent l’armée gouvernementale face aux rebelles de M23 soutenus par le Rwanda. Selon les dernières données  de l’UNICEF, environ 750.000 enfants qui ont été contraints de quitter leur milieu de vie pour se réfugier ailleurs, stoppant ainsi la poursuite des apprentissages dans les deux provinces les plus touchées, celle du Nord-Kivu et Ituri, entre 2022 et 2023.

En dehors du rapport de UNICEF, plusieurs d’autres rapports abondent  va dans le même sens. Un monitoring effectué par les membres de la Fédération Nationales des Enseignants et éducateurs sociaux du Congo, FENECO-UNTC, le syndicat le plus vieux et le plus représentatif du pays,  renseigne que dans la région de Masisi dans la province éducationnelle de Nork-Kivu 3,  au moins 39800 enfants ont quitté Masisi pour trouver refuge à 10 km de la ville de Goma dans les camps de déplacés de sites de Buminga et CEPAC. A ce jour, ces enfants sont sans éducation et errent comme des moineaux dans les camps pour survivre.

Nous savons tous que la protection, la promotion des droits de l’enfant reste une priorité en République Démocratique du Congo qui a ratifié la convention des Nation Unies relatif aux droits des enfants mais également la Charte  africaine des Droits et de bien-être de l’enfant.  Malheureusement, la guerre que mène le Rwanda à l’Est de la RDC pour l’exploitation des minerais, a obligé plusieurs écoles à fermer les portes en 2024. Dans la seule province de Nord-Kivu,  400 écoles ont fermées depuis le début  de l’année 2024. Cela a des impacts et des implications directes sur l’éducation des enfants mais aussi la sécurité et la protection.

Une école fermée, c’est un cycle d’apprentissage qui est coupé pour l’enfant et beaucoup de retards occasionnés. Et cela peut atteindre son bien-être psychologique du fait que son environnement est menacé.  Ainsi, les familles sont disloquées et devienne vulnérables. Dans ces conditions, on retrouve souvent des enfants soldats enrôlés par les groupes armés ou travaillant de force dans les mines, mais aussi des enfants amenés à subir un travail forcé, par exemple transporter les matériels de guerre.

Que deviendront ces enfants dans dix ou quinze ans ? Leur avenir est à priori compromis dès lors qu’aucune solution n’est en vue pour stopper la violence. Ces enfants ont connu des humiliations, des brimades et supplices. Certains d’entre eux, ont vu leur parents être assassinés sous leurs yeux, certains ont vus leurs mères et leurs sœurs être violées, d’autres ont été contraints par les rebelles à poser des actes ignobles.

Et que deviennent leurs enseignants ?

Il n’y a pas d’écoles sans enseignant-e-s. En effet, le monitoring de la Fédération Nationale des enseignants et éducateurs sociaux du Congo, FENECO-UNTC, note que beaucoup d’enseignants des zones à conflit, ont fui les zones pour se réfugier soit dans la ville de Goma soit dans les camps de réfugiés. D’autres par contre  sont portée disparues, sont –ils encore vivants ? Combien d’enseignant-e-s sont-ils/elles concernés, combien sont encore vivants, combien prestent encore dans les écoles de fortunes construites dans les camps de réfugiés de Goma ? Malheureusement, nous ne pouvons pas répondre à cette question. Les responsables de la  FENECO-UNTCC tente d’être en communication avec les  différentes services technique de l’Etat pour avoir des données probantes quant à ce. Le fait que les enseignants se sont déplacés et certains sont sans nouvelles, impacte aussi dans le déroulement des activités syndicales pour notre organisation syndicale

En effet, le début de la fin 2023, nous ne recevons presque plus le rapport de la province de l’ituri dans son ensemble et pour le Nord-Kivu, c’est seulement le rapport de la ville de Goma qui nous parvient. Notre représentant sur place souligne que la situation est dramatique, la violence qui était loin de la ville, est actuellement à la porte de la ville. Et avec l’instauration de l’état de siège dans ces deux provinces, tout est contrôlé par le gouvernorat militaire de la place. Une certaine restriction  de liberté fondamentale s’observe. C’est un Etat policier qui s’est installé là-bas.

A quand la paix dans cette région pour la poursuite des apprentissages ?

Le seul vœu des enfants et enseignants de cette région du Kivu, c’est la fin de ces violences et le retour à la paix. La fin des violences et le retour de la paix permettront à tous ces réfugiés de Goma et environs de retourner dans leurs milieux de vie habituels ; de cultiver leurs terres pour certains, de poursuivre leurs apprentissages pour les enfants, de reprendre leur métier pour les enseignant-e-s.  Cette responsabilité revient au gouvernement congolais de tout mettre en œuvre pour parvenir à stopper cette violence qui n’a que trop duré. N’est-ce pas la sécurisation des personnes et leurs biens, la paix à l’intérieur du territoire national, relève des prérogatives régaliennes de chaque d’Etat ?

Cependant, on sent que les autorités gouvernementales sont submergées et n’ont pas une solution à donner dans l’immédiat. Ce qui est vrai, le gouvernement a perdu le contrôle de cette partie de la République qui est contrôlée par les rebelles de M23 et le Rwanda.

A l’heure où le monde de l’éducation conjugue les efforts de mobilisation pour le financement public de l’éducation, la qualité de l’éducation, un bon salaire pour les enseignant-e-s, l’école  inclusive, la Fédération Nationale des Enseignants et éducateurs sociaux du Congo se demande comment y arriver sans la paix. Qu’est-ce que l’éducation sans la paix ?

 

Jacques Taty Mwakupemba