Alors que le Ministre de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique appelle à une rentrée scolaire apaisée en République Démocratique du Congo, après avoir réuni tous syndicats à Kisantu, une agglomération située à 120 km à l’Ouest de Kinshasa dans la Province de Kongo Central pour discuter de la question enseignante, la Fédération Nationale des Enseignants et éducateurs sociaux du Congo, FENECO-UNTC, dans un communiqué officiel rendu public le 29 août 2023, a adressé un préavis de grève de trois jours au gouvernement.
Son Secrétaire Général écrit « devant cette situation de déception et de désespoir, le Bureau Exécutif de notre Organisation, conformément à l’article 53 de nos statuts, a décidé d’appeler à la grève pour permettre à votre Gouvernement de trouver par la voie orientée des solutions concrètes, idoines et urgentes avant la rentrée scolaire 2023-2024 fixée au 4 septembre prochain ». Cette sortie du Secrétaire Général de la FENECO note à quel point les violons ne s’accordent pas entre le gouvernement de la République Démocratique du Congo et les vrais syndicats qui défendent encore les intérêts des enseignantes et enseignants.
Diviser pour mieux régner
En effet, depuis 2021, l’actuel Ministre de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique s’est évertué à museler les syndicats de l’éducation pour imposer son modus operandi qui consiste à mater tous les syndicats qui n’épousent pas son action, à suspendre et priver de salaire tous ceux qui pensent le contraire, à recruter les différents leaders des syndicats à la Direction Nationale de Contrôle et de Paie des Enseignants, DINACOPE ex SECOPE. En muselant les syndicats, l’actuel ministre veut à tout prix anéantir la grande unité des syndicats qui peut lui faire ombre, diviser pour mieux régner, dit-on ! La division des syndicats et le débauchage de leurs leaders restent un coup dur quant à l’amélioration des conditions sociales des enseignantes et enseignants en République Démocratique du Congo. L’opinion enseignante se demande s’il faut continuer encore à faire confiance aux syndicats ?
Appel au gouvernement de revoir les salaires
Il est impérieux que le gouvernement prenne au sérieux la situation enseignante car la qualité de notre système éducatif en dépend. Comme le souligne le secrétaire Général de la FENECO dans une autre sortie du 30 août 2023 « Devant des promesses infructueuses et la détérioration de la condition enseignante, la FENECO/UNTC invite le gouvernement de trouver une solution urgente à l’ensemble de problèmes qui minent le personnel de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique. », et d’ajouter « concrètement, nous attendons du Gouvernement de notre pays des solutions aux problèmes de :
– salaire : humain(paliers), suppression des discriminations (Zones salariales), paiement de vraies nouvelles unités avec la participation des syndicats, problématique de la bancarisation et des retards des salaires ;
– Primes : flou dans la prime de gratuité, avantages pour inspecteurs et administratifs, arriérés pour intervenants aux évaluations ;
– Dialogue social de qualité : levée de suspensions, réactivation des désactivés, élections syndicales, mettre un terme à la discrimination antisyndicale, à la répression et à la traque des syndicalistes ainsi qu’à toutes ces promotions et affectations fantaisistes, à de mutation punitive cas de notre Coordonnateur National chargé de Recherche et Développement ;
– Gestion du système éducatif : faire libérer l’ITI Gombe dont les enseignants se trouvent en insécurité. »
Ce tableau montre à quel niveau la situation demeure précaire. Dans un tel contexte, comment avoir une rentrée apaisée. Comme dans ces habitudes, l’actuel ministre, entouré de ses partisans, balayent d’un revers de mains ce cahier des doléances. Pour eux, ils ont beaucoup fait. Le 5 septembre, le ministre du sous-secteur a présenté un évolutif sur les mesures d’accompagnement de la gratuité de l’enseignement primaire juillet 2023. Et dans ce tableau, il dit pour le salaire Kinshasa et Lubumbashi, il y a eu augmentation de 221%, au niveau des chefs-lieux de provinces 127%, au niveau des territoires 73%. Mais ce qui semble curieux, c’est qu’en dépit de tous ces beaux chiffres présentés avec des augmentations exponentielles, le salaire de l’enseignant reste toujours un salaire de misère – moins de deux cents dollars le mois – ce qui est inconcevable. Quand on revient en charge, le ministre avec son équipe retorque qu’il y a plus de 700 000 enseignants actuellement’. Augmenter le salaire comme le veut la FENECO, c’est engloutir tout le budget de l’État, ce qui est impossible.
La résistance de la FENECO pour un renouveau syndical
Face au durcissement de la position du gouvernement à ne pas bouger les lignes, la FENECO appelle à la résistance conformément à son communiqué du 4 septembre 2023 : « Après évaluation de notre Bureau Exécutif ce soit du 4 septembre 2023, nous devons reconnaître que la rentrée a été lancée sur toute l’étendue de la République, mais ce qui est sûr est qu’il y a de la résistance contre cette rentrée grâce à notre appel ».
Cette résistance n’est rien d’autre que pousser le gouvernement à améliorer les conditions sociales du gouvernement. Par ailleurs, les responsables syndicaux de la FENECO pensent qu’il faut un renouveau dans le milieu syndical. Ce renouveau ne peut venir que grâce à la formation de ressources humaines compétentes capables d’apporter un nouveau souffle syndical. Déjà, par ses multiples initiatives, la Fédération Nationale des Enseignants et Éducateurs sociaux du Congo a toujours souhaité la venue d’un renouveau syndical pour défendre réellement les intérêts des syndiqués. Constatant le déficit de formation et de compétences dans le chef de plusieurs syndicalistes, la FENECO avait mis en place en 2021 l’académie syndicale en ligne, ASL, pour donner des formations de base aux jeunes qui désirent entrer dans les syndicats
Cette année scolaire sera-t-elle apaisée ?
D’aucun se pose la question si cette année sera apaisée ? En lieu et place d’installer un climat de terreur et de répression dans le milieu éducatif, en intimidant et mutant les enseignants, en suspendant et privant de salaires les enseignants qui suivront le mot de la grève, nous en appelons à la conscience républicaine et à un dialogue social de qualité. Ce dialogue sera le lieu par excellence d’avoir des échanges entre les différents partenaires évoluant dans ce secteur. Dialoguer en toute responsabilité, dans la sincérité et la considération des autres, en analysant en profondeur ces questions persistantes et trouver des solutions idoines pour sauver la vie des enseignants et apporter une valeur ajoutée dans l’aspect qualité. Si on ne le fait pas, cette année scolaire risque de se dérouler en dents de scie car la Fédération Nationale des Enseignants et éducateurs sociaux n’est pas prêt à abandonner cette lutte.
Jacques Taty Mwakupemba
Coordonnateur National chargé de Recherche et Développement
FENECO-UNTC
Kinshasa – RD Congo