Zones des conflits et mines, lieux d’exploitation des enfants

En République Démocratique du Congo, les zones de conflits et de mines sont les lieux de prédilection d’exploitation des enfants. En effet, un bon nombre d’enfants dans le pays n’ont pas accès à l’école par le fait qu’ils doivent travailler pour faire nourrir leurs familles respectives.  Dans de la partie Sud-Est, spécialement dans les provinces de Haut-Katanga et Lualaba, zones très riches en gisement miniers, la plupart des enfants abandonnent l’école pour travailler dans les mines. Dans les zones de conflit armé spécialement au Nord-Est, en Ituri, au Nord- Kivu, dans le Sud- Kivu et Tanganyika, les enfants sont parfois recrutés de force par les mouvements rebelles, parfois aussi réquisitionnés pour transporter les matériels militaires des rebelles, ou encore obligés d’aller travailler dans les mines que contrôlent le rebelles, pour alimenter la guerre. Au-delà des zones de conflits et mines, dans les zones urbaines, à Kinshasa, à Lubumbashi et autres grandes agglomérations, dans les régions du Kasaï où la vie reste très coriace, certains enfants à cause de la famine, sont obligés de travailler en vendant ou en trainant dans les rues pour quémander.

Cette situation ne permet nullement d’atteindre l’indicateur d’accès à l’éducation tel que repris dans la Stratégie Sectorielle de l’Education et la Formation 2016-2025. À deux ans de la fin de l’échéance fixée, beaucoup d’enfants trainent encore en dehors de l’école. L’accès à l’éducation est l’un des trois axes stratégiques de la stratégie sectorielle de l’Education et de la Formation 2016-2025. En mettant en place cette stratégie de l’éducation, le gouvernement de la République Démocratique du Congo a voulu permettre à tous les enfants congolais d’être scolarisés, gage d’amélioration de l’avenir personnel de chaque enfant et aussi de développement de tout pays.

Appel au gouvernement de la RD Congo à mettre les bouchées double

En cette Journée mondiale contre le travail des enfants, le 12 juin, la Fédération Nationale des enseignants et éducateurs sociaux du Congo/Union Nationale des Travailleurs du Congo, FENECO/UNTC en sigle, fait de la déclaration de l’Internationale de l’Éducation la sienne en la publiant in extenso pour insister auprès de gouvernement de la RD Congo pour qu’il mette en œuvre l’ Appel à l’action de Durban sur l’élimination du travail des enfants, adopté lors de la 5e conférence mondiale sur l’élimination du travail des enfants, qui s’est tenue du 15 au 20 mai 2022.

L’Appel à l’action de Durban constitue un engagement international important pour mettre fin au travail des enfants, et peut être utilisé par l’Internationale de l’Éducation et ses organisations membres pour :

  • Soutenir les campagnes de sensibilisation visant à renforcer un enseignement public de qualité comme outil d’élimination du travail des enfants.
  • Réaffirmer le droit humain à l’éducation et à un enseignement de base gratuit, obligatoire et de qualité.
  • Réaffirmer le rôle central du dialogue social, l’importance de l’Organisation internationale du travail (OIT) et les principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT, y compris la liberté d’association et la négociation collective.

Il devient de plus en plus urgent de mettre fin au travail des enfants

Cet appel à l’action adressé aux gouvernements de tous les États membres des Nations Unies (ONU) constate que la pandémie de COVID-19, les conflits armés et les crises alimentaires, humanitaires et environnementales menacent de réduire à néant des années de progrès contre le travail des enfants.

Elle s’appuie sur l’ensemble des conventions internationales, des conférences et des engagements des Nations Unies et multilatéraux, en particulier l’objectif 8.7 de l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable, qui vise à mettre fin au travail des enfants sous toutes ses formes d’ici 2025. Il rappelle la ratification universelle de la Convention n° 182 sur les pires formes de travail des enfants, (1999) et d’autres conventions de l’OIT, notamment la convention n° 138 sur l’âge minimum (1973), ainsi que la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. It s’appuie également sur les engagements pris dans le cadre de l’Année internationale pour l’élimination du travail des enfants (2021) et sur les résultats des précédentes conférences mondiales sur le travail des enfants.

L’appel à l’action de Durban comporte des engagements dans six domaines différents :

  1. Faire du travail décent une réalité pour les adultes et les jeunes ayant dépassé l’âge minimum d’admission à l’emploi en accélérant les efforts multipartites visant à éliminer le travail des enfants, la priorité étant donnée aux pires formes de travail des enfants.
  2. Mettre fin au travail des enfants dans l’agriculture.
  3. Renforcer la prévention et l’élimination du travail des enfants, y compris de ses pires formes, du travail forcé, de l’esclavage moderne et de la traite des personnes, ainsi que la protection des survivants grâce à des réponses politiques et programmatiques fondées sur des données et informées par les survivants.
  4. Réaliser le droit des enfants à l’éducation et garantir l’accès universel à une éducation et formation gratuite, obligatoire, inclusive et de qualité.
  5. Assurer l’accès universel à la protection sociale.
  6. Améliorer le financement et la coopération internationale pour l’élimination du travail des enfants et du travail forcé.

Les syndicats d’enseignants jouent un rôle fondamental pour mettre fin au travail des enfants et faire du droit à l’éducation une réalité

« Les écoles constituent le meilleur environnement pour tous les enfants. Les enfants ont droit à une éducation de qualité. Leur place est à l’école, avec leurs enseignants et des éducateurs attentifs, et non dans le monde de l’exploitation du travail des enfants », a déclaré le secrétaire général de l’Internationale de l’Education, David Edwards.

En soulignant l’importance des éducateurs et de leurs syndicats dans l’éradication du travail des enfants, il a insisté sur la nécessité pour les gouvernements de soutenir les enseignants par la formation, le développement professionnel continu, des conditions de travail et de rémunération décentes, et de veiller à ce que l’éducation soit « véritablement gratuite, disponible et accessible à tous et toutes ».

Edwards a ensuite évoqué cinq stratégies clés à adopter par les enseignant·e·s et les syndicats pour garantir la présence des enfants à l’école:

  1. Recherche et données probantes.
  2. Plaidoyer et dialogue social.
  3. Sensibilisation.
  4. Mobilisation de la communauté.
  5. Création d’environnements scolaires sûrs et inclusifs.

Il a ensuite expliqué que, pour l’Internationale de l’Éducation et ses affiliés à travers le monde, « l’éducation doit être rendue véritablement gratuite, disponible et accessible à tous et toutes ». Cela exige un investissement adéquat dans l’éducation grâce à l’affectation d’au moins 6 % du PIB ou/et d’au moins 20 % du budget national à l’éducation.

Les syndicats de l’éducation, en coopération avec d’autres syndicats, par exemple les syndicats de travailleurs ruraux ou des travailleurs des plantations, et les centrales syndicales ont un rôle essentiel à jouer pour veiller à ce que les gouvernements soient tenus responsables de la mise en œuvre des mesures auxquelles ils se sont engagés dans l’Appel à l’action de Durban, a ajouté Edwards.

Les syndicats de l’éducation peuvent se servir de l’Appel à l’action de Durban dans le cadre de leurs campagnes de sensibilisation auprès de l’Assemblée nationale/du Parlement, de la communauté éducative, des parents et des militant·e·s, et pour sensibiliser les membres du syndicat.

Conclusion

En faisant ainsi, nous pouvons stopper en un intervalle très court de temps l’exploitation des enfants dans les différents milieux précités et responsabiliser le gouvernement à créer des conditions propices et favorables pouvant permettre à tous les enfants exploités à revenir à l’école, l’un des meilleurs environnements de développement des enfants.

Dans la même perspective, les syndicats de l’éducation en RD Congo sont appelés à jouer pleinement leurs rôles, en favorisant des mécanismes de dialogue pour rappeler au gouvernement de créer un environnement de paix à travers toute l’étendue du territoire national et réduire tout aspect dangereux ne permettant pas l’épanouissement de l’enfant afin que les enfants retrouvent leur place à l’école. C’est sur base de cette action que l’indicateur accès pourrait être atteint.

Jacques Taty Mwakupemba, Feneco/Untc, Kinshasa- République Démocratique du Congo.