De la promotion scolaire à la revue annuelle des performances, pour quel objectif ?

Du 29 au 31 aout 2022, le Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique de la République Démocratique du Congo, a organisé la deuxième édition de la Revue Annuelle des Performances https://varlyproject.blog/revue-annuelle-performance-secteur-education-rdc/ sous le thème « Consolidation et la pérennisation de la gratuité de l’enseignement primaire ainsi que la lutte contre les anti-valeurs ». Tenu à Kinshasa avec plus de 400 délégués, cette réunion a réuni tous les acteurs clés du système éducatif, venant de 60 provinces éducationnelles du pays.

D’emblée, il sied de noter que depuis 2011, le Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique organise de manière régulière les assises de Promotion Scolaire nationale. En 2018, dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie Sectorielle de l’Éducation et de la Formation 2016-2025, ces assises ont été transformées en Revue annuelle des Performances par l’Arrêté Ministériel n°MINEPSP/CABMIN/1160/2017 le 18 août 2017 portant organisation et fonctionnement des assises de promotion scolaire.

Aux termes de cet Arrêté, ces assises se veulent un moment d’état des lieux des résolutions, d’orientation des décisions et de planification à tous les niveaux de l’administration du sous-secteur (Établissement d’enseignement, sous province éducationnelle, Province éducationnelle et Nationale).

L’objectif général poursuivi dans la Revue Annuelle des Performances édition 2022, était de doter le Ministère d’une planification montée sur les besoins recueillis à la base et dont l’évaluation des performances de l’année en cours, la mise à jour de la carte scolaire, le suivi de la mise en œuvre des réformes et défis en constituent les piliers. Spécifiquement, il fallait :

  • Évaluer les performances du sous-secteur sur la base du plan d’action opérationnel ;
  • Fournir des informations utiles et pertinentes sur le niveau d’exécution des réformes en cours dans le sous-secteur de l’enseignement primaire, secondaire et technique ;
  • Fournir les informations sur la carte scolaire ;
  • Valider la planification de l’année suivante ;
  • Présenter les actions mises en œuvre, en vue de la consolidation et la pérennisation de la gratuité de l’enseignement primaire ;
  • Identifier les actions clés devant permettre la lutte contre les anti-valeurs.

On a toujours fait de très beaux cadres théoriques

Le plan comme détaillé ci-contre, explicite clairement comment le système doit fonctionner. Tous les ingrédients sont mis à l’interne pour avoir un système efficace à partir des données venant de la base, c’est-à-dire des écoles, des sous-divisions et 60 provinces éducationnelles. Ces données permettraient d’avoir une planification rationnelle, de surveiller les progrès et les réformes entreprises, d’évaluer les performances et l’efficacité de chaque secteur, de mettre à jour la carte scolaire et enfin d’assurer une gouvernance responsable et transparente.

Ainsi, avec ces données empiriques le système devient une forme de matrice de plusieurs variables susceptible d’enclencher les différents microsystèmes pour avoir une stratégie nationale de l’éducation efficace capable de changer la donne et produire un capital humain de qualité, un pilier parmi les facteurs de développement.

Ce cadre théorique devait constituer une sorte de boussole devant guider les assises de la revue annuelle des performances édition 2022 afin de produire des résultats concrets, comprendre, analyser trouver des solutions et passer à l’exécution des recommandations assorties. Hélas !

À chaque année, les mêmes scènes, les mêmes erreurs : échec math !

On ne doit pas se voiler la face, le manque de préparation en amont ne pouvait qu’impacter sur la suite. Alors que les assises ont débuté, il y avait des écoles, des sous-divisions, des provinces qui n’ont pas fait remonter les données. Aucune commission technique mise en place, n’avait reçu les données partielles venant de quelques provinces ayant organisé des revues annuelles provinciales pour les analyser et avoir une idée générale. Les conséquences n’ont pas tardé à apparaitre au grand jour pour les observateurs avisés. Les mêmes scènes, les mêmes erreurs se répètent comme lors de l’édition passée, on avait l’impression de faire la répétition de mêmes paramètres, d’écouter les mêmes discours, d’analyser la même chose. Quelles étaient les performances accomplies ? Quelle est l’efficacité du système ? Quelle est l’actuelle carte scolaire ? Qu’en est-il de la gouvernance transparente des différentes structures ? La soif n’a pas été étanchée.

Quand bien même que beaucoup des directeurs provinciaux ont essayé de survoler les quelques problèmes de terrain, mais dans la plupart des cas, nous avions affaire à des génériques, il me semble qu’on a encore voulu créer la roue alors que la roue existe déjà.  Les nouvelles recommandations sont venues s’ajouter aux anciennes recommandations qui n’ont pas été exécutés et trainent dans les tiroirs des bureaux des autorités sensées les exécuter.

Pratiquement, ce sont les mêmes scènes et les mêmes erreurs qui se sont répétées à la grande déception de l’un des grands syndicats des enseignants, la Fédération Nationale des Enseignants et éducateurs sociaux, Union Nationale des Travailleurs du Congo, FENECO/UNTC en sigle. Le système éducatif de la République Démocratique du Congo, est une chaine avec plusieurs maillons, au niveau national et au niveau provincial. Au niveau national, le gouvernement national a une grande responsabilité sur la présentation et la mise en application d’une stratégie nationale de l’éducation, qui existe déjà. Mais déjà à ce niveau, la lourde machine administrative congolaise ne favorise nullement l’exécution rapide des décisions prises. Les interférences viennent de partout, de la présidence de la République en passant par le gouvernement, les services centraux de l’administration publique, le parlement, sans omettre les politiciens véreux des partis politiques, qui sont à la quête des dividendes politiques encore qu’on tend vers la période électorale.

Cette déception que relève la FENECO/UNTC s’est fait sentir même dans le discours de clôture tenu par le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique. Quand bien même d’entrée de jeu, le patron de l’enseignement primaire, secondaire et technique lance que ces assises de la revue annuelle des performances se clôturent avec une note de satisfaction, il se demande lui-même si ces nouvelles recommandations ne viennent pas s’ajouter à celles qui traînent dans les tiroirs et restent encore non exécutées. Cela prouve à suffisance qu’on souffle le chaud et le froid en même temps, car en toute conscience, on sait qu’il y a un pas en avant et deux pas derrière.

Les vœux de la Fédération Nationale des Enseignants et éducateurs sociaux, Union Nationale des Travailleurs du Congo, FENECO/UNTC.

Les assises de la revue annuelle des performances doit être l’occasion et le lieu pour tous les acteurs évoluant dans le système éducatif congolais, à savoir le gouvernement, les confessions religieuses, les syndicats de l’éducation, les partenaires techniques et financiers, les organisations de la société civile de la thématique éducation, les associations des parents d’élèves, tous sans exception, d’évaluer le chemin déjà parcouru et de planifier les tâches qui nous restent à faire dans l’avenir pour un système éducatif inclusif, performant et compétitif.

Il n’est plus question de s’attarder dans les questions de surface qui sont déjà connues de tous, il est question d’aller en profondeur pour dénicher ces pesanteurs qui ne permettent pas à notre système éducatif de décoller. Mais aussi, de demander au gouvernement d’être pragmatique pour faire de notre système un vrai moteur de développement du pays. Cela nécessite de prendre en compte toutes les réformes déjà faites en théorie et les rendre pratiques.

Un des éléments essentiels dans la batterie des recommandations à mettre en pratique, sera l’amélioration des conditions de vie (salaires) et de travail des enseignants pour atteindre les performances tant attendues. Pour ce faire, il faut des ressources financières conséquentes et nécessaires, des ressources matérielles considérables et les ressources humaines de qualité. De cette manière, la revue annuelle des performances aura sa raison d’être et pourrait donner des résultats escomptés.

 

Jacques Taty Mwakupemba

FENECO/UNTC