Le Canada est un vaste pays d’Amérique du Nord composé de dix provinces (Alberta, Colombie-Britannique, Île-du-Prince-Édouard, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Ontario, Québec, Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador) et de trois territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut). Il s’étend d’un océan à l’autre, et son système éducatif, bien que globalement reconnu pour sa qualité, varie considérablement d’une région à l’autre en raison du partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux.

Alors que certaines provinces vivent des avancées importantes grâce à la mobilisation syndicale, d’autres font face à des reculs préoccupants, notamment en lien avec le financement public, la privatisation et la pénurie de personnel. L’éducation y est au cœur des préoccupations sociales, tant pour sa qualité que pour son accessibilité.

Au cœur de ces enjeux, les syndicats de l’éducation, membres du Comité syndical francophone de l’éducation et de la formation (CSFEF), continuent de jouer un rôle clé pour assurer la qualité du système éducatif, le respect du personnel enseignant et la défense des services publics.

Une campagne nationale pour les enfants et l’éducation

Sous l’égide de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (CTF/FCE), une importante campagne non partisane a été lancée sous le thème « Nos enfants. L’avenir du Canada. ». Elle vise à recentrer le débat public autour des enjeux fondamentaux touchant les jeunes générations : la pauvreté infantile, la santé mentale, les impacts des changements climatiques, et l’importance d’un système éducatif public, accessible et de qualité. La CTF/FCE souhaite ainsi rappeler que les décisions politiques doivent toujours être guidées par l’intérêt supérieur des enfants.

Autre grande avancée : après des années de revendications syndicales, toutes les provinces et tous les territoires ont signé une entente pour la mise en place d’un Programme national d’alimentation scolaire. Ce programme vise à garantir qu’aucun élève ne commence sa journée le ventre vide, un enjeu essentiel d’équité et de réussite scolaire.

Par ailleurs, les résultats de l’enquête « PARACHUTE », menée à l’automne 2024, ont mis en évidence cinq préoccupations majeures du personnel enseignant à travers le pays :

  • Le manque de soutien de la part des ministères de l’Éducation;
  • Des conditions de travail devenues intenables dans de nombreuses régions;
  • Une gestion de classe de plus en plus complexe, en raison notamment de la diversité des besoins;
  • Une recrudescence de la violence en milieu scolaire ;
  • Un manque chronique de temps pour la préparation pédagogique.

Ces constats sont venus alimenter les revendications syndicales dans chaque province et territoire.

La situation à Terre-Neuve-et-Labrador

À l’issue des plus récentes négociations, le syndicat Newfoundland and Labrador Teachers’ Association (NLTA) a obtenu la création d’un comité chargé d’examiner les enjeux liés au recrutement et à la rétention du personnel enseignant dans la province. Ce comité regroupe des représentants du gouvernement, du Conseil scolaire francophone provincial de Terre-Neuve-et-Labrador (CSFP), des écoles anglophones ainsi que du syndicat.

Sa mise en place témoigne d’une reconnaissance accrue, de la part du gouvernement, des défis liés à la pénurie d’enseignants. La participation du CSFP revêt une importance particulière, puisqu’elle permet de mieux mettre en lumière les réalités propres aux écoles de langue française.

La situation à l’Île-du-Prince-Édouard

À la suite d’un sondage mené auprès des enseignantes et enseignants afin de cerner leurs priorités en matière de négociation, les discussions pour le renouvellement de la convention collective se sont conclues en seulement trois mois.

Près de 88 % des membres ont pris part au vote de ratification, et la convention a été adoptée à 98 % en faveur de sa mise en vigueur pour les trois prochaines années. Cette entente permet au syndicat de réaliser plusieurs avancées significatives, notamment en matière de conciliation travail-vie personnelle, qui devrait s’en trouver grandement améliorée.

La situation en Ontario

En Ontario, le syndicat a réussi à conclure de nouvelles conventions collectives pour l’ensemble de ses unités syndicales, à l’issue de négociations ayant duré plus de deux ans dans plusieurs cas.

Parallèlement, l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) a adopté un nouveau plan stratégique couvrant la période 2025-2030. Ce plan repose sur trois grands axes :

  1. Une AEFO plus inclusive, solidaire et engagée;
  2. Une AEFO qui défend, soutient et outille ses membres;
  3. Une AEFO stratégique, influente et rassembleuse.

Sur le plan politique, le gouvernement ontarien a récemment relancé l’idée d’un test de compétence en mathématiques pour l’obtention du brevet d’enseignement. Ce test, qui couvre des notions jusqu’à la 9e année, serait exigé pour tous les niveaux d’enseignement et dans toutes les matières. Instauré une première fois en 2019, le test avait été suspendu après qu’un tribunal l’avait jugé anticonstitutionnel. Toutefois, la cour d’appel ayant invalidé ce jugement, le gouvernement envisage désormais de rétablir cette exigence de certification.

La situation au Manitoba

Le dépôt du projet de loi 35, portant sur la conduite professionnelle du personnel scolaire, fait suite à plusieurs scandales publics ayant secoué le secteur de l’éducation. Ce projet prévoit notamment :

  • La création d’un registre public des enseignants certifiés;
  • La nomination d’un commissaire indépendant chargé de recevoir les plaintes;
  • L’imposition de mesures disciplinaires externes à l’employeur.

Les syndicats dénoncent une réforme adoptée sans réelle consultation, ce qui suscite de vives inquiétudes quant à l’impact sur les droits des enseignants et l’autonomie professionnelle.

La situation en Alberta

En Alberta, les discussions entre les membres du comité de négociation de la Table centrale de l’Alberta Teachers’ Association (ATA) et les représentants de la Teachers’ Employer Bargaining Association (TEBA) se poursuivent dans un esprit constructif. Les parties ont amorcé une médiation supervisée par une médiatrice, et jusqu’ici, les échanges demeurent positifs.

Afin de préserver la confidentialité du processus, les deux groupes ont convenu de maintenir l’interdiction de diffuser des renseignements issus des pourparlers. Le principal obstacle actuellement est lié au calendrier de planification budgétaire du gouvernement provincial, qui pourrait nuire à la capacité du syndicat de faire aboutir la médiation avec une proposition jugée acceptable.

La situation au Yukon

Le syndicat a conclu une entente avec le gouvernement concernant le renouvellement de la convention collective. Celle-ci prévoit une bonification salariale sur trois ans :

  • Une hausse de 14,15 % pour les enseignants;
  • Une augmentation de 21,15 % pour les aides-enseignants;
  • Une bonification de 24,15 % pour les enseignants sur appel.

La situation dans les Territoires du Nord-Ouest

Les récentes catastrophes naturelles, feux de forêt et inondations, ont poussé le gouvernement territorial à revoir l’ensemble de ses budgets. Cette révision s’est traduite par des compressions de l’ordre de 150 millions de dollars réparties entre les ministères.

Le secteur de l’éducation n’a pas été épargné. Plusieurs initiatives ont été touchées, notamment l’annulation de la conférence « New to the North », qui visait à accueillir les nouveaux enseignants dans la région. Des coupes ont également été effectuées dans le programme de mentorat pour les nouveaux enseignants ainsi que dans les Student Success Initiatives, un programme clé pour le financement du développement professionnel du personnel enseignant.

Un mouvement syndical dynamique et engagé

Malgré la diversité des contextes régionaux, les syndicats d’enseignantes et d’enseignants du Canada partagent une même vision : celle d’un système d’éducation public accessible, équitable et porteur d’avenir. Que ce soit par la négociation collective, la mobilisation sur le terrain ou la participation aux grands débats sociaux, les organisations syndicales jouent un rôle central dans la construction d’un avenir éducatif plus juste.

Face aux défis croissants de pénuries de personnel, pressions politiques, bouleversements climatiques, elles continuent de démontrer leur résilience et leur capacité à porter la voix du personnel éducatif avec force et solidarité.