L’Europe de l’Est désigne une vaste région du continent européen qui s’étend de la mer Baltique, au nord, jusqu’à la mer Noire au sud, et des Carpates, à l’ouest, jusqu’aux frontières de la Russie, à l’est. Elle regroupe plusieurs pays, comme la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie, l’Ukraine, ainsi que les États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie).
Au cours des dernières années, l’Europe de l’Est a été confrontée à une série de bouleversements géopolitiques, sociaux et économiques. Depuis la fin de la guerre froide, la région n’a cessé d’évoluer, mais les tensions actuelles, alimentées notamment par la guerre en Ukraine, les instabilités au Moyen-Orient et les dynamiques politiques internationales, ont complexifié davantage le contexte.
L’année 2024 a été marquée par une forte activité électorale dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, dont la République tchèque, la Moldavie, l’Allemagne et la Roumanie, sans oublier l’élection présidentielle en Pologne. Cette effervescence politique, qui se poursuit en 2025, témoigne de l’intensité des transformations en cours et de l’instabilité persistante qui caractérise certains États de la région.
Dans ce climat chargé, les enjeux sociaux, économiques et éducatifs prennent une place centrale, alors que les syndicats doivent composer avec des gouvernements parfois fragiles, des politiques restrictives et une pression internationale croissante.
La situation en Roumanie
La Roumanie traverse une période politique particulièrement troublée. Les élections présidentielles de décembre 2024 ont été annulées par la Cour Constitutionnelle en raison de graves ingérences étrangères. Le candidat d’extrême droite Călin Georgescu, ouvertement anti-UE et anti-OTAN, aurait bénéficié d’un financement illicite, de soutiens extérieurs et d’un usage massif de technologies numériques, notamment via TikTok, faussant l’équité du scrutin.
Après le déclassement de documents confidentiels présentés au Conseil Suprême de Défense, la Cour a jugé que l’ensemble du processus électoral avait été vicié : manipulation du vote, atteinte à la transparence, violation des règles de financement et usage abusif de l’intelligence artificielle. Le processus électoral a été suspendu et reprogrammé pour mai 2025. La candidature de Georgescu a de nouveau été rejetée au printemps 2025, en raison des mêmes menaces sur les valeurs démocratiques, la stabilité nationale et les engagements internationaux de la Roumanie.
Dans ce climat, les tensions sociales ont été instrumentalisées par des groupes extrémistes, empêchant les syndicats de l’éducation de participer aux manifestations, de peur que leur message soit détourné. Malgré cette instabilité, les sondages révèlent un attachement fort de la population au cap européen et à l’appartenance à l’OTAN.
Sur le plan syndical, les trois grandes fédérations de l’enseignement : la Fédération des syndicats libres de l’Enseignement (FSLE), la Fédération des Syndicats de l’Éducation (FSE « Spiru Haret »), et la Fédération nationale syndicale de l’Enseignement supérieur (FNS « Alma Mater ») dénoncent un recul préoccupant du dialogue social et du respect des engagements gouvernementaux.
Le principal point de tension est le gel des salaires du personnel éducatif pour 2025, fixé au niveau de novembre 2024 via l’ordonnance d’urgence dite « trenuleț ». Cette mesure rompt les promesses faites à l’issue de la grève historique de mai-juin 2023, qui avait obtenu des hausses salariales progressives jusqu’en 2025. Malgré les augmentations précédentes, un enseignant débutant ne gagne qu’environ 4 000 lei net, bien en dessous des 6 000 lei revendiqués par les syndicats pour un revenu digne.
Autres sources d’insatisfaction :
- La suspension des lois favorables aux enseignants (réduction des effectifs par classe, allègement de charge pour les enseignants expérimentés, remboursement des transports),
- L’adoption de l’Ordonnance d’Urgence n°62/2024, qui suspend les conflits de travail du secteur public dans tout le pays. Ces litiges sont désormais transférés à la Haute Cour de Cassation et de Justice, créant une inégalité flagrante avec le secteur privé et ralentissant la justice.
Face à cela, les syndicats ont envoyé des lettres de protestation au gouvernement et au Médiateur du Peuple, dénonçant une atteinte à l’État de droit.
Malgré ce climat conflictuel, des signaux d’ouverture existent. Le nouveau ministre de l’Éducation, Daniel David, recteur de l’université de Cluj, se positionne en allié du corps enseignant. Il a multiplié les réunions avec les syndicats et plaidé pour une hausse des budgets éducatifs. Il a également renforcé la coopération éducative franco-roumaine :
- Extension des lycées bilingues labellisés FrancÉducation;
- Renforcement de l’apprentissage du français (1,16 million d’élèves);
- Développement de projets dans la formation professionnelle, la lutte contre la désinformation ou la coopération universitaire.
Enfin, l’adoption en février 2025 du salaire minimum européen est une avancée. Mais elle reste partiellement symbolique dans un contexte où les promesses faites au personnel éducatif restent non tenues.
La situation en Moldavie
Le 5 mars 2025, à Chișinău, la Fédération syndicale de l’Éducation et de la Science (FSEȘ) a tenu son VIIIe Congrès à la Maison des Syndicats. L’événement a permis de dresser le bilan des cinq dernières années (2020-2025), marquées par des avancées importantes dans le secteur de l’éducation et de la recherche, malgré un contexte souvent difficile. Le Congrès a également défini les priorités stratégiques du nouveau mandat 2025-2030, avec un accent mis sur la défense des droits des salariés, l’amélioration des conditions de travail et le renforcement du dialogue social.
Parmi les résultats obtenus, les délégués ont salué la modernisation de près de 200 écoles et jardins d’enfants, ainsi que les augmentations salariales successives de plus de 15 % dès janvier 2024, pour tous les enseignants, et une nouvelle hausse de 15 % en 2025, pour les enseignants titulaires de grades didactiques. Des primes majorées ont aussi été introduites pour les enseignants du secteur professionnel et technique. La FSEȘ a également joué un rôle déterminant dans la modification du Code du travail et de la Loi sur les syndicats, permettant des avancées concrètes, comme l’instauration de jours non travaillés et l’amélioration des congés.
À l’issue du Congrès, Ghenadie Donos a été reconduit à la présidence pour un nouveau mandat de cinq ans, tandis que Nadejda Lavric a été confirmée au poste de vice-présidente. La nouvelle direction de la Fédération a été élue avec la volonté affirmée de poursuivre l’action syndicale pour un système éducatif mieux financé, plus équitable et centré sur la qualité.
La situation en Ukraine
Alors que la guerre entre dans sa quatrième année, la vie sociale en Ukraine connaît un regain de mobilisation. En dépit de la loi martiale qui interdit tout rassemblement sur la voie publique, des mouvements sociaux, notamment portés par les associations étudiantes, reprennent possession de l’espace public pour faire entendre leurs revendications. Ce sursaut de résistance civile souligne une réalité dramatique : le système éducatif ukrainien est en état d’effondrement.
Les conséquences cumulées de la pandémie et de la guerre ont durablement désorganisé l’accès à l’éducation. Depuis cinq ans, des millions d’enfants ukrainien.nes voient leur scolarité interrompue, d’abord à cause du Covid-19, puis par le conflit déclenché en 2022. En 2025, on estime que près de deux millions d’enfants ont été contraints de quitter leur école, que 365 établissements ont été entièrement détruits, et qu’un tiers du parc scolaire a été endommagé.
Même dans les zones non occupées, les coupures de courant, les alertes aériennes et l’accès instable à Internet rendent l’enseignement en ligne extrêmement difficile. Pour les enfants vivant près du front, aucune forme de scolarisation réelle n’est possible depuis cinq ans. Les conséquences psychologiques et éducatives sont graves: troubles du langage, retards d’apprentissage, isolement, perte de repères sociaux. Des enseignants rapportent que des élèves de 10 à 12 ans rencontrent encore de lourdes difficultés à lire et écrire.
Dans ce contexte, l’éducation devient une ligne de vie. Pour les enfants, elle est synonyme de stabilité, de sécurité et d’espoir. Il est donc crucial que la communauté internationale, syndicats compris, renforce son soutien à l’éducation, à la santé mentale et à la protection de l’enfance en Ukraine. C’est un investissement indispensable pour la reconstruction du pays et pour préserver une génération marquée par le traumatisme.
La situation en Bulgarie
En Bulgarie, les syndicats de l’éducation redoublent d’efforts pour défendre les salaires et les conditions de travail des personnels éducatifs. La Fédération bulgare des enseignants (BUT), affiliée à la Confédération des syndicats indépendants de Bulgarie (CITUB), a formulé une demande claire : une hausse budgétaire de 689 millions de BGN dès janvier 2025 pour les salaires dans l’éducation, avec l’objectif que ceux des enseignants atteignent 140 % du salaire brut moyen national. Cette revendication vise à revaloriser la profession, particulièrement dans les disciplines scientifiques, où la pénurie d’enseignants devient critique.
En parallèle, la Confédération du travail Podkrepa a conclu un accord avec le Parti socialiste bulgare (BSP) pour garantir une meilleure rémunération dans l’enseignement supérieur. Ce partenariat politique prévoit des mesures législatives concrètes pour appliquer la loi sur l’enseignement supérieur et allouer les financements nécessaires à la revalorisation salariale des universitaires.
Si le dialogue social reste dynamique, les avancées sont entravées par une instabilité politique persistante. Depuis plusieurs années, le pays enchaîne les élections. En janvier 2025, un gouvernement de coalition dirigé par Rosen Zhelyazkov a été mis en place, incluant notamment le BSP pro-russe. Toutefois, la majorité reste fragile, et les divergences internes ralentissent les réformes, notamment en lien avec l’adoption de l’euro prévue pour 2026.
Malgré ce contexte politique incertain, les syndicats restent mobilisés pour défendre une éducation publique de qualité et des conditions de travail dignes pour l’ensemble des personnels du secteur.
La situation en Serbie
En Serbie, les syndicats de l’éducation, en particulier la Fédération des syndicats des travailleurs de l’éducation de Serbie (USPRS), restent en première ligne face à un gouvernement qu’ils jugent peu respectueux de ses engagements. Malgré une hausse salariale de 11 % et une prime promise en janvier 2025, les syndicats ont poursuivi les grèves, dénonçant l’insuffisance des mesures et le non-respect des protocoles signés. En novembre 2024, 90 % des écoles affiliées à l’USPRS étaient en grève.
Les enseignants ont également soutenu les mobilisations étudiantes, notamment après la tragédie de Novi Sad et les scandales de corruption. Le 24 janvier 2025, une grande majorité d’écoles à Belgrade sont restées fermées par solidarité avec les étudiants manifestants.
La répression a franchi un cap le 15 mars 2025, lorsque les autorités ont été accusées d’avoir utilisé un canon sonore interdit contre les manifestants pacifiques. Une pétition signée par près d’un demi-million de citoyens a été adressée à l’ONU et à l’OSCE pour demander une enquête internationale.
Dans un contexte de tensions politiques internes et de fragilité institutionnelle, les syndicats serbes restent mobilisés, à la fois pour défendre les droits des enseignants et pour soutenir un mouvement social plus large, ancré dans la lutte pour la démocratie et la justice sociale.
La situation en Hongrie
En Hongrie, les syndicats de l’éducation, notamment le Syndicat démocratique des enseignants (PDSZ) et le Syndicat des enseignants (PSZ), mènent une résistance constante contre la réforme imposée par le gouvernement Orbán, surnommée par ses opposants la « loi de vengeance ». Entrée en vigueur en janvier 2024, cette réforme renforce le contrôle disciplinaire, alourdit la charge de travail et introduit une rémunération au mérite.
Malgré une hausse salariale moyenne annoncée de 21,2 % en 2025, les syndicats dénoncent une détérioration des conditions de travail, l’absence de dialogue réel et une volonté de restreindre les libertés académiques. Depuis 2022, l’intégration du ministère de l’Éducation dans celui de l’Intérieur symbolise, selon eux, la militarisation du système éducatif.
Dans un climat de régression démocratique, les droits syndicaux ont été gravement affaiblis : réduction du droit de grève, suppression des instances de dialogue social et traitement préférentiel des syndicats progouvernementaux. Malgré les obstacles, le mouvement syndical hongrois continue de défendre les droits des personnels éducatifs, dans un contexte de plus en plus répressif.
Face aux crises, les syndicats tiennent la ligne
Le monde syndical de l’éducation en Europe de l’Est est confronté à de nombreux défis : instabilité politique, réformes contestées, guerre ou recul des droits. Malgré ces obstacles, les syndicats restent mobilisés pour défendre la qualité de l’enseignement, les droits des personnels et les valeurs démocratiques. Leur action, essentielle, appelle à un soutien renforcé et à une solidarité internationale accrue.