La région s’étend des rives de l’Atlantique, du Maroc à l’ouest, au Canal de Suez et à la mer Rouge, en Égypte, à l’est. On y retrouve, d’est en ouest, l’Égypte, la Lybie, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc et le Sahara occidental. Le Comité syndical francophone de l’éducation et de la formation (CSFEF) est présent, via ses syndicats affiliés, dans trois pays : le Maroc avec 4 syndicats, la Mauritanie avec 2 syndicats et la Tunisie avec 2 syndicats également.

La situation au Maroc

Le système éducatif du Maroc est une composante essentielle pour le développement socioéconomique et culturel du pays. Depuis l’indépendance en 1956, le Maroc a engagé plusieurs types de réformes pour moderniser son système éducatif, rendre l’école accessible à tous, et œuvrer à la qualité de l’enseignement. La volonté des enseignants et des syndicats est toujours présente pour le développement du secteur, mais de nombreux défis demeurent.

En 2024, le Maroc a consacré à l’éducation, entre 7 et 8% de son PIB et 12% du budget de l’État, ce qui représente une hausse de 45% par rapport à 2022. Le Maroc investit à l’éducation deux fois plus que la moyenne mondiale (4%).

Pourtant, les taux d’abandon scolaire restent élevés, l’insertion professionnelle des diplômés difficile et la qualité de l’enseignement est inférieure à des standards internationaux. Les familles aisées privilégient massivement l’enseignement privé, creusant ainsi les inégalités. L’éducation publique est perçue comme un système incapable de garantir une formation de qualité et une insertion professionnelle adéquate.

Depuis des années, le Maroc a connu la fermeture de plusieurs écoles publiques, principalement en milieu urbain, en raison de la diminution des effectifs scolaires dans certains quartiers résidentiels, rendant certaines écoles sous-utilisées. Parallèlement, le secteur privé de l’éducation a connu une croissance significative. En 2023/2024, plus de 85 000 élèves ont quitté l’école publique pour rejoindre des établissements privés. Dans certaines régions, le nombre d’écoles privées dépasse désormais celui des écoles publiques, reflétant une préférence croissante des familles pour l’enseignement privé. La fermeture d’écoles publiques, au détriment du secteur privé, risque d’accentuer les inégalités, notamment pour les familles à revenus modestes qui n’ont pas les moyens d’accéder à l’enseignement privé.

Au niveau du collège, les chiffres restent alarmants. Le taux de décrochage scolaire y atteint 8,5%, et celui des redoublements est particulièrement élevé à 18,5%. La situation au niveau secondaire qualifiant, bien qu’un peu moins dramatique, n’est pas pour autant réjouissante. En effet, 7,4% des élèves abandonnent leur parcours scolaire, et 12,1% d’entre eux redoublent une année. Au primaire, les chiffres sont un peu plus modérés, le taux d’abandon est de 1,5% et celui du redoublement atteint les 6,8%.

En plus de ces préoccupations, la surpopulation scolaire, particulièrement dans les classes de collège et de lycée, aggrave la situation. Avec un taux d’encombrement de 21,9% dans les classes de collège, 13,3% dans les lycées et 4,2% dans le primaire, les conditions d’enseignement deviennent particulièrement difficiles pour les élèves et les enseignants. Les classes bondées rendent impossible un suivi pédagogique personnalisé, ce qui nuit à l’efficacité de l’enseignement et compromet les chances de succès des élèves.

Le 23 octobre 2024, un remaniement ministériel a touché les deux ministres chargés de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Malgré des progrès notables pour le développement de l’Éducation, d’importants défis demeurent et persistent, notamment :

– l’abandon scolaire et la rétention des élèves. Pour l’année scolaire 2023-2024, le Maroc a enregistré 300 000 cas d’abandon scolaire. La pauvreté est l’un des facteurs de cet abandon, mais aussi l’expérience scolaire négative, le manque de suivi des familles, ainsi qu’un contexte territorial difficile pour certains élèves (des villages enclavés ou trop éloignés d’établissements scolaires, par exemple).

– la qualité de l’apprentissage nécessite des améliorations importantes : 45,4 % des enfants du primaire accusent un retard dans leur éducation.

– l’enseignement dans les zones rurales souffre particulièrement d’un manque d’infrastructures et d’adaptabilité aux réalités locales.

– la surcharge des classes.

– le manque de ressources : beaucoup d’écoles manquent de matériel pédagogique, de bibliothèques, de laboratoires, etc.

– l’infrastructure inadéquate : Certaines écoles manquent de commodités de base et d’équipement.

– l’instabilité des réformes.

– le manque de valorisation du métier d’enseignant.

– la violence et l’indiscipline venant des élèves et des parents.

– les inégalités régionales en matière d’accès à l’éducation et à des conditions de travail décentes.

– la rémunération insuffisante.

– la formation insuffisante des enseignants.

– les programmes surchargés ou inadaptés.

– les barrières linguistiques.

Une lutte historique

Ces nombreux problèmes ont incité le Syndicat national de l’enseignement – Confédération démocratique du travail (SNE-CDT) à mener une vaste lutte historique en 2023 en mobilisant la profession enseignante. Cette mobilisation a duré pas moins de trois mois, à travers des actions non violentes, comme la grève, les sit-in, les marches encadrées et toutes formes de manifestations pacifiques.

Le bras de fer qui a opposé les autorités aux syndicats marocains s’est finalement conclu par la signature de deux accords historiques qui ont permis d’obtenir des augmentations de salaire à partir de 1,500 dirhams (150 euros) et un nouveau statut unifiant les enseignant∙e∙s contractuel∙le∙s et statutaires. L’entente prévoit également l’accès à la fonction publique pour l’ensemble du personnel de l’éducation et la fixation de la durée hebdomadaire des cours dispensés.

Au cours de la mobilisation, un plan national de renouveau syndical avait aussi été lancé, avec des objectifs précis, tels que l’augmentation du taux d’adhésion, la création de comités syndicaux au niveau local, et l’organisation de visites sur le terrain. On a revu notre vision commune et notre méthode d’action. Des équipes locales dynamiques ont été créées, composées de jeunes enseignants et enseignantes, de femmes engagées, de militants et militantes expérimentés. Ils ont agi comme catalyseurs dans leurs régions.

Les syndicats ont modernisé leurs outils de communication utilisant des balados, des vidéos, et posté sur les réseaux sociaux pour toucher un public plus large. Les résultats de recrutement ont dépassé leurs espérances avec comme résultat « un syndicat revitalisé, maintenant plus représentatif, plus à l’écoute, plus connecté à la réalité du terrain et, bien sûr, résolument tourné vers l’avenir de l’École publique », comme l’affirme Younes Firachine, secrétaire général du SNE-CDT.

Aperçu du système éducatif en Mauritanie

Du côté du Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES)

Depuis 2022, la Mauritanie a connu une nouvelle réforme du système éducatif dont l’objectif est de faire une plus grande place à la langue arabe, ainsi qu’aux langues nationales : le poular, le soninké et le wolof.

Le personnel enseignant est en surcharge de travail : 18 heures de cours par semaine pour un enseignant du lycée et 22 heures de cours par semaine pour un enseignant de collège.

Le travail syndical est très hardi et l’on attend impatiemment l’organisation des élections de représentativités aux conseils d’administration des établissements, promises depuis plusieurs années.

Le Syndicat national de l’enseignement secondaire (SNES) est mobilisé et prêt pour les élections, même si la date est inconnue et repoussée de nouveau depuis la dernière réunion, soit le 25 février 2025, entre le ministre de la Fonction publique et des centrales syndicales.

Le dialogue social avec le gouvernement

Le dialogue social a été instauré en avril 2024 pour la première fois en Mauritanie, alors que 38 syndicats de l’enseignement fondamental et du secondaire se sont regroupés au sein d’une instance commune de coordination. Leur plateforme de revendications porte sur quatre doléances que sont l’augmentation des salaires, la valorisation des indemnités, la correction des injustices liées aux échelons et l’octroi de logements décents pour le personnel enseignant.

Notons que les syndicats sont arrivés à un accord de principe, en décembre 2024, lors de leurs négociations avec le bureau du premier ministre. L’accord porte uniquement sur les revendications liées à la hausse des salaires et des indemnités. Les augmentations devraient entrer en vigueur en 2026.

La troisième revendication est en cours de résolution depuis janvier 2025. En effet, la correction des 118 injustices liées aux échelons s’effectuera au rythme de cinq injustices par mois. Quant à la dernière revendication portant sur l’octroi de logements décents, elle est en phase finale de règlement. La commission technique a rendu son rapport final le printemps dernier au comité interministériel présidé par le premier ministre.

Du côté du Syndicat national de l’enseignement fondamental (SNEF)

Il faut savoir qu’en Mauritanie, l’éducation est une priorité nationale et un droit fondamental assuré à tous les Mauritaniens sans discrimination basée sur le sexe, l’origine sociale, culturelle, linguistique ou géographique.

L’enseignement est obligatoire de 2 ans à 6 ans pour le préscolaire et de 6 ans à 15 ans pour le fondamental. Le système d’éducation est principalement public, mais à cause du rôle influent joué par la religion islamique dans l’éducation, il n’est pas laïc.

Les langues principales d’enseignement sont l’arabe et le français. Le français est utilisé majoritairement dans l’enseignement supérieur et les matières scientifiques.

Par-delà ces grands principes favorisant un système d’éducation accessible et universel, la Mauritanie fait face tout de même à d’importants défis. Améliorer la qualité de l’éducation de base et l’accès limité à un enseignement secondaire, qui a de multiples défauts. Le taux de passage au secondaire est d’ailleurs très problématique, puisqu’il se situait à seulement 55 % chez les filles et à 61 % chez les garçons, d’après des statistiques datant de 2019.

On déplore également le peu d’engagement de la société civile, des communautés locales et du secteur privé.

L’action syndicale

Depuis novembre 2024, plusieurs syndicats de l’enseignement mauritanien ont déclenché des grèves et mènent des manifestations dans la capitale Nouakchott et dans plusieurs villes de l’intérieur du pays afin de faire pression sur le ministère de l’Éducation et la réforme du système éducatif pour que soient prises des mesures sérieuses afin d’améliorer l’éducation en Mauritanie.

Côté dialogue social avec le gouvernement, ce n’est pas très encourageant. En effet, nous faisons face à un gouvernement qui ne tient pas ses promesses et ses engagements. Pas plus tard que le printemps dernier (avril 2025), il y a eu une rencontre avec les représentants gouvernementaux et les syndicats afin de mettre fin à la crise. L’État signe et ratifie tout ce qui passe, mais il n’y a pas de suivi réel.

Du côté de la Tunisie

La situation est plutôt sombre en Tunisie pour les syndicats de l’enseignement. Il n’y a aucun dialogue social avec l’État. En fait, nous faisons face à une nouvelle forme de dictature.

De plus, il y a une détérioration de l’infrastructure des établissements d’enseignement. Socialement, on assiste à une diminution du pouvoir d’achat alors que les coûts des produits sont à la hausse dans tous les secteurs. La situation est d’autant plus difficile que les gens ne bénéficient d’aucun filet social.

Les relations entre les syndicats de l’Afrique du Nord et le Comité syndical francophone de l’éducation et de la formation (CSFEF)

Les syndicats ont des attentes claires à l’endroit du CSFEF notamment pour les accompagner dans un contexte de réformes complexes et de restructurations du statut des enseignants. On compte également sur le comité pour faire connaître sur la scène internationale et francophone les luttes importantes menées par les syndicats de l’Afrique du Nord et obtenir un plus grand soutien des travailleuses et travailleurs de l’éducation des autres pays.

On souhaite aussi obtenir l’appui du CSFEF pour l’organisation de formations portant sur la négociation collective, les droits syndicaux, la législation internationale, les jeunes militants et les délégués locaux dans les zones rurales ou périphériques.

Les syndicats apprécient le rôle majeur joué par le CSFEF pour faciliter les échanges Sud-Sud ou Sud-Nord entre les syndicats et le partage d’expériences réussies dans d’autres pays francophones.