L’Organisation internationale de la francophonie organisait à N’Djaména la première conférence internationale sur l’éducation des filles et la formation des femmes dans l’espace francophone. Le CSFEF a pu y faire entendre la voix des enseignantes, dans les différents ateliers ou tables rondes.

 

 

En s’appuyant sur des recherches montrant à la fois les progrès accomplis depuis 20 ans mais aussi une insuffisance chronique de la scolarisation des filles en Afrique, il s’agissait de réfléchir aux dispositifs et mesures permettant de progresser davantage.
Plusieurs indicateurs étaient examinés de près :

  • Le taux de scolarisation des filles au primaire qui dépasse les 80% au Burundi, Rwanda, Cameroun, Maurice, Côte d’Ivoire, Congo, Bénin, Togo, mais il est au-dessous de 60% au Mali, Centrafrique, Niger;
  • La proportion des filles parmi les enfants non scolarisés en âge d’aller au primaire témoigne elle de la différence filles-garçons dans l’accès à l’école. Cette proportion dépasse les 60% au Togo, Guinée, Centrafrique, Côte d’Ivoire et Tchad.

 

La poursuite d’étude vers le secondaire montre une situation assez sombre. Dans le meilleur des cas, comme en Côte d’Ivoire, aux Seychelles et à Maurice 3 filles sur 4 achèvent sans encombre leur scolarité au primaire mais ailleurs comme à Madagascar, au Tchad, Centrafrique, Burundi plus d’une fille sur deux voit sa scolarité s’achever en cours de primaire. Et même avec une scolarité achevée normalement, puisqu’on observe alors que les filles ont des résultats similaires à ceux des garçons, celle-ci subisse de freins à l’accès au secondaire.
La conférence, à travers diverses tables rondes et ateliers, s’est attachée aux causes internes et externes qui favorisent ou empêchent la scolarisation des filles. De nombreux ministres ou membres de cabinets ministériels participaient à la conférence, ainsi que Mme Louise Mushikiwabo secrétaire générale de l’OIF.

Notre camarade Jocelyne Kabanyana, du STEB (Burundi) est intervenue dans l’atelier sur les stéréotypes de genre dans les ressources pédagogiques. Elle y a notamment développé l’action de son syndicat et comment le sport était important pour l’intégration des filles dans le secondaire.

Sai Singa Viviane Gonne du SYNADEEPCI (Côte d’Ivoire) a fait une présentation dans l’atelier sur la les pratiques éducatives, la formation initiale et continue des personnels d’éducation.

Trois thématiques essentielles ont été abordées dans cet atelier: les pratiques éducatives à développer pour promouvoir un traitement égalitaire entre filles et garçons, la prise en compte de la question du genre dans la formation initiale et continue des acteurs de l’éducation, les bonnes pratiques à impulser auprès des acteurs du système de formation.

Beaucoup de problèmes ont été soulevés: les pratiques discriminatoires à l’égard des filles et femmes, le harcèlement du personnel féminin, le dépaysement des enseignantes dans les contrées reculées, la discrimination dans l’évaluation des étudiants

Des propositions ont été faites, entre autres : promouvoir la mixité entre femmes et hommes ; réorganiser les modules de formation des enseignants ; former les enseignantes au leadership féminin, à la prise de décision, au travers  des comités tels que les cercles d’études pour citer l’exemple du SYNADEEPCI. Auprès des acteurs du système de formation, il a été proposé que l’éducation de base implique davantage les deux parents, que la formation des enseignants intègre des modules modules sur les droits des femmes et l’approche genre. De plus, il faudrait prévoir des mesures incitatives pour l’enseignement dans des zones reculées. Le SYNADEEPCI, syndicat de la formation professionnelle travaille aussi à rescolariser des femmes qui ont abandonné l’école trop tôt.
Jokebed Djikoloum du SET (Tchad) intervenait dans l’atelier sur la violence liée au genre dans le milieu scolaire (VGMS), qui est un sérieux obstacle à la poursuite d’une scolarité normale. L’atelier a précisé les différentes formes de violence, leurs auteurs, les impacts sur la scolarisation des filles ainsi que la manière de les combattre, et les politiques et programmes qui existent pour  les prévenir et y  répondre.

Xavier Hospital (UNESCO) donne l’exemple de l’outil utilisée pour une étude réalisée dans le cadre de lutte contre la VGMS et qui a bien réussi. Le problème qui persiste partout dans les pays respectifs, c’est l’impunité des auteurs de violence et la non application des textes juridiques. Ayant un impact grave sur les résultats scolaires, il est impératif d’engager des moyens nécessaires à renforcer et trouver de réponses à chaque contexte.

Il faut une synergie d’action des acteurs de l’éducation : ministères, les parents d’élèves, les ONG et les Syndicats des Enseignants et les partenaires financiers et techniques. Cette violence souvent invisible se caractérise aussi par l’impunité des auteurs des violences. On insiste également sur la nécessité de mesures préventives. Ainsi :

  • Formation et outils des enseignants contre les VGMS ;
  • Sensibilisation à travers des supports (affiches, slogans, dépliants, tee shorts…
  • Des conférences débats, des causeries éducatives, des théâtres forum dans les établissements ;
  • Des caravanes, des émissions radios et télévisées ;
  • Création des centres d’écoute et de conseils de victimes, des cités universitaires des filles ;
  • Plaidoyer pour la mise en application des conventions ratifiées et des lois en vigueur sur les VGMS

Jokebed Djikoloum indique qu’il est important d’impliquer pleinement les syndicats  d’enseignants dans la lutte et la prévention des VGMS afin de leur permettre de jouer leur rôle de veille et d’interpellation auprès des décideurs nationaux pour l’application des lois et règlements ; de soutenir les communautés à réclamer l’application des lois et des règlements à travers la mobilisation sociale et de masse et la communication interpersonnelle ; de renforcer les actions de conseils de sensibilisation et d’accompagnement des victimes de violences et enfin de poursuivre les activités d’autonomisation des filles et garçons, des parents et des autres acteurs de la communauté   afin de les doter des compétences pour savoir s’exprimer, se défendre et agir en citoyen responsable  à travers le renforcement et la création  des cadres adéquats( centres d’alphabétisation, de formations professionnelles, d’accueil , d’écoute et de conseils et autres)

D’autres sujets comme les grossesses précoces ou les mariages forcées ont été abordés. Certains pays d’Afrique, comme le Tchad, ont élevé l’âge minimums du mariage à 18 ans mais malheureusement la législation est parfois contournée par les familles. D’une façon générale, il a été souligné que les mesures règlementaires ne suffisaient pas à elles seules et c’est toute l’action des associations, ONG, syndicats de veiller à l’application de ces mesures sur le terrain.

Le rôle de la société civile justement a été l’objet d’une table ronde spécifique mais elle a été réduite à sa plus simple expression, à peine une heure, en raison de contraintes protocolaires imprévues. Le CSFEF a pu cependant montrer l’action des syndicats grâce aux nombreux éléments qu’il avait reçu de la part de syndicats francophones. Surtout il a affirmé que c’est par une offre de qualité que l’on pourra scolariser davantage d’enfants et davantage de filles en Afrique.

Le CSFEF a ainsi montré aux ministres, membres de cabinets ministériels et ambassadeurs, les photos de salles de classe prises récemment à N’Djaména où les enfants s’entassent à 60 ou 80 (pour un effectif officiel dépassant quelquefois les 100 élèves), ont à peine une place pour s’asseoir et écrivent sur leurs genoux. Il a toutefois plaidé pour que gouvernement et syndicats travaillent ensemble pour résoudre le problème de la scolarisation des filles puisque l’objectif était commun.

En conclusion de la conférence l’OIF a émis des recommandations et propositions d’action. Parmi celles-ci, développer des outils numériques dont les contenus intègrent l’égalité femmes-hommes pour appuyer prioritairement la formation des filles et des femmes, lancer un appel à initiatives ouvert aux Organisations internationales non gouvernementales (OING) et les organisations non gouvernementales (ONG), favorisant le partenariat entre les gouvernements et la société civile pour l’éducation des filles. Le CSFEF pour sa part continuera à promouvoir l’égalité des genres dans ses actions syndicales, en plaidant pour une formation des personnels intégrant cette problématique et en favorisant l’accès des femmes aux responsabilités.